Le prêt au taux prescrit : un outil de planification efficace pour réduire la charge fiscale globale de votre famille

Le prêt au taux prescrit peut être un excellent outil de planification financière et fait partie des rares occasions de fractionnement du revenu toujours accessibles aux familles canadiennes. Bien qu'il soit couramment utilisé pour fractionner les revenus entre conjoints, le prêt au taux prescrit peut aussi être accordé à un enfant majeur ou à une fiducie de placement familiale. Un tel prêt peut s’avérer un excellent moyen de mettre un placement entre les mains du membre de la famille le moins imposé afin de profiter de son taux marginal d’imposition plus faible.

Il importe avant tout de comprendre comment les « règles d'attribution » peuvent affecter le fractionnement du revenu

La Loi de l’impôt sur le revenu du Canada a mis en place des mesures visant à limiter les possibilités de fractionnement de revenu. Par exemple, si vous donnez ou prêtez de l’argent à votre époux ou conjoint de fait sans exiger d'intérêts, tout revenu de placement ou gain en capital qui découle du placement acquis avec les fonds prêtés vous sera « attribué » et donc imposé à votre nom. Si le but est de transférer du revenu au conjoint ayant le revenu le moins élevé, les règles d'attribution empêcheront toute possibilité de fractionnement. Les règles d'attribution s’appliqueront également lorsqu’un prêt portant intérêt à un taux moindre que le taux prescrit (y compris un prêt sans intérêt) est accordé soit directement aux enfants ou aux petits-enfants, soit indirectement par l'intermédiaire d'une fiducie.

Cependant, l'attribution du revenu à celui ou celle qui a consenti le prêt n'aura pas
lieu si le taux établi à la date du prêt correspond au taux prescrit. Voilà pourquoi un prêt au taux prescrit devient un outil de planification fiscale aussi simple qu’efficace.

Comment fonctionne le prêt au taux prescrit?

Un particulier prête de l’argent à son époux ou conjoint de fait, un enfant majeur ou une fiducie de placement, qui se trouve dans une fourchette d’imposition inférieure, et établit le taux d’intérêt au taux prescrit au moment où le prêt a été consenti.

L’emprunteur investit ensuite l’argent dans le but de gagner un revenu de placement ou des gains en capital. À condition que le prêt soit bien documenté et que les intérêts sur ce prêt soient payés chaque année dans les 30 premiers jours de l’année civile (c’est-à-dire avant le 30 janvier), les règles d’attribution ne s’appliquent pas. Si l’intérêt n’est pas payé au plus tard le 30 janvier, le prêt ne répondra pas aux exigences requises pour se soustraire aux règles d’attribution cette année-là et toutes les années subséquentes. Cela signifie que tout revenu, et dans certains cas gain ou perte en capital, serait attribué au prêteur pour l'année en question et pour toutes les années subséquentes, même si les versements d'intérêt dans les années subséquentes sont faits avant la date d'échéance.

Lorsque la stratégie de prêt à taux prescrit se déroule comme prévu, le revenu généré en surplus des intérêts versés sur le prêt tombe entre les mains de la personne la moins imposée, ce qui réduit la facture fiscale globale du ménage. Le prêteur inclut donc dans son revenu les intérêts reçus alors que l’emprunteur déduit cette somme de son revenu, tout en y incluant tout revenu de placement ou gain (ou perte) produit par le placement.

En voici un exemple :

  • Samuel et Paola forment un couple marié. Samuel se trouve dans la fourchette d’imposition la plus élevée alors que Paola ne gagne aucun revenu imposable. 
  • Samuel a 500 000 $ à sa disposition, mais au lieu de l’investir lui-même, il prête cette somme à Paola au taux d’intérêt prescrit actuel et fait rédiger les documents appropriés. Paola investit l’argent.
  • On suppose que le taux d’intérêt prescrit au moment où le prêt est consenti est de 2 % et que Paola paiera 10 000 $ en intérêts à Samuel chaque année avant le 30 janvier. Dans cet exemple, Samuel serait imposé sur le revenu en intérêts de 10 000 $, tandis que Paola pourrait déduire les intérêts de 10 000 $ courus sur les fonds servant à des fins d’investissement. 
  • Paola devra cependant payer de l’impôt sur tous les revenus et gains en capital réalisés par son placement. Comme Paola n’a aucun autre revenu, on pourrait lui attribuer 10 000 $ en revenu d’intérêts, 20 000 $ en gains en capital ou 50 000 $ en dividendes déterminés, déduction faite des intérêts versés, sans que Paola ait à payer un sou d’impôt fédéral (l’impôt provincial à payer dépend de la province de résidence de Paola).
  • Comme Samuel se situe dans la fourchette d’imposition la plus élevée, cette stratégie se traduirait par une baisse de la facture fiscale globale de la famille.
  • Si le taux prescrit chute à 1 %, et que Samuel et Paola mettent en place un prêt au taux prescrit après cette baisse, il n’y aura à payer que 5 000 $ en intérêts (plutôt que 10 000 $) et une autre tranche de 5 000 $ pourra alors être imposée au nom de Paola à son taux d'imposition marginal plus bas. 

Comment établit-on le « taux prescrit »?

Le 1er avril 2018, le taux prescrit est passé à 2 % (pour les avantages imposables et les prêts au taux prescrit). Avant cette hausse, le taux prescrit avait atteint un niveau historiquement bas de 1 %. Depuis, le taux s’établit à 2 % et le taux du deuxième trimestre pour 2020 a déjà été fixé à 2 %.

Le taux d’intérêt prescrit est fixé chaque trimestre et dépend du rendement moyen des bons du Trésor à 90 jours du gouvernement du Canada vendus durant le premier mois du trimestre précédent. Compte tenu de la conjoncture économique et des récentes réductions des taux d'intérêt, il est fort possible que le taux revienne à 1 % au début du troisième trimestre de 2020. Les taux pour les mois de mars et avril 2020 se trouvent sur le site de la Banque du Canada.

Si le taux prescrit baisse, un prêt au taux prescrit peut devenir un outil de fractionnement du revenu encore plus avantageux.

Si vous songez à établir un prêt au taux prescrit, il peut être fiscalement avantageux de reporter sa mise en place après le 1er juillet 2020.  Si le taux prescrit diminue, vous pourrez bloquer le nouveau taux prescrit de 1 % pour la durée du prêt et donc le conserver même si ce taux prescrit augmente par la suite.

Comment établir un prêt au taux prescrit?

Avant la mise en place d’un prêt au taux prescrit, il vaut mieux faire appel aux conseils de spécialistes (en droit et en fiscalité) pour s’assurer que le prêt est correctement documenté. Exigences à respecter :

  • Un document écrit (le contrat) doit présenter les modalités du prêt et être signé par le prêteur et l’emprunteur
  • Ce contrat doit clairement indiquer que les fonds ont été prêtés à l’emprunteur et que celui-ci est tenu légalement de rembourser le prêt.
  • Le contrat doit préciser le taux d’intérêt (normalement le taux prescrit en date du prêt) et que les intérêts seront versés dans les 30 premiers jours de l’année civile.
  • Pour conserver une marge de manœuvre, le prêt devrait être un prêt à demande, c’est-à-dire remboursable dans sa totalité sur demande du prêteur.

Dans quelles circonstances est-il plus avantageux d’opter pour un prêt au taux prescrit?

Toute stratégie de fractionnement des revenus, dont le recours à un prêt au taux prescrit, est plus avantageuse lorsque l’écart entre les taux d'imposition marginaux des membres de la famille est marqué et que les sommes à prêter et à investir sont considérables.

De plus, vous devrez soupeser un certain nombre de facteurs, notamment le rendement attendu et les répercussions fiscales, avant même d’établir un tel prêt. Nous vous encourageons à consulter votre conseiller IG et votre conseiller fiscal pour obtenir un complément d'information avant de prendre une telle décision.